C’est Halloween
et les sorcières se rassemblent
in « The Sunday Times » du 27 octobre 1963
par Hunter Davies VF tof
400 sorcières britanniques seront de sortie jeudi prochain pour Halloween, une
de leurs quatre grandes fêtes annuelles. Dans une forêt près de Watford, j’ai
rencontré des sorcières du coven de St Alban. C’est un des plus grands covens du
pays, la plupart de ses 30 membres vient de la région de Londres.
Les autres covens importants sont à Brighton, Folkestone, Warwickshire, Norfolk,
Yorkshire, Sheffield et Glasgow. M. Jack Bracelin, le Grand Prêtre du coven de
St Alban, dit qu’il y en a bien d’autres, mais que depuis le Moyen-Age (qu’elles
appellent « l’époque des bûchers ») les sorcières n’en savent pas trop au sujet
des autres covens, pour qu’on ne leur arrache pas l’information par la force.
M Bracelin, qui était auparavant dans la police en Palestine, est maintenant
représentant pour une entreprise de peinture et il est une sorcière depuis de
nombreuses années. Il corrige tout de suite ceux qui le qualifient de sorcier :
« Une sorcière peut être un homme ou une femme » dit-il, « le mot witch
(sorcière en anglais) vient de « wica » un mot anglo-saxon signifiant les sages
».
Les sorcières sont matriarcales et c’est toujours la Grande Prêtresse qui
conduit les cérémonies. La Grande Prêtresse de St Alban ne souhaite pas que son
nom soit mentionné. Elle n’a pas honte d’être une sorcière, mais son époux est
un des piliers de l’église anglicane locale et elle ne souhaite donc pas de
publicité.
Elle explique que la sorcellerie n’est qu’une autre religion, une religion
minoritaire, ce qui fait qu’ils risquent certaines persécutions. Ils rendent un
culte à des dieux païens comme Herne le Chasseur et la Terre Mère.
« Nous ne sommes pas chrétiens » dit-elle, « nous avons simplement une autre
conception du bonheur spirituel ».
Parmi les sorcières de St Alban, il y a un docteur, un économiste, un
contremaître d’usine, un universitaire, deux enseignants, un ancien officier de
l’armée ainsi qu’une personne qui vient d’Irlande pour les rencontres. Elle ne
vient pas sur un balai, c’est un peu démodé. La Grande Prêtresse conserve un
balai devant sa maison, mais c’est plus pour amuser ses voisins qu’autre chose.
Le coven se réunit une fois par mois. Chaque sorcière jure de ne pas révéler les
rites, mais une réunion normale commence avec la Grande Prêtresse qui trace un
cercle de 9 pieds dans les bois avec son « athamé », le couteau noir de
cérémonie que toutes les sorcières sont sensées porter.
Lorsqu’elle l’a consacré, elle le divise en quatre quartiers. Dans chaque
quartier, il y a une bougie. Au centre du cercle, il y en a une autre sur un
autel. Sur l’autel, il y a aussi l’épée cérémonielle, du sel, de l’eau, une
baguette, un couteau à manche blanc et un porte-encens. Elle « purifie » tous
les présents avec son couteau puis les fait pénétrer dans le cercle. Les règles
pour ces rituels sont notées dans un livre de règles. C’est ainsi depuis des
milliers d’années. On n’a jamais imprimé ces règles, elles n’ont été que copiées
à la main par chaque sorcière après qu’elle ait passé l’étape de probation ou
d’apprentissage et qu’elle devienne une sorcière de première, seconde puis
troisième classe.
M. Bracelin n’aime pas les gens qui essayent de faire du sensationnalisme avec
les sorcières en les accusant de faire de la magie noire ou de jeter des mauvais
sorts. Il dit que les sorcières sont de bonnes personnes, qu’elles ne font rien
de mauvais. La Grande Prêtresse ajoute qu’il y a de bons et de mauvais
chrétiens, tout comme il y a de bonnes et de mauvaises sorcières ; ce qui
signifie qu’il peut y avoir des meurtres rituels et du sang qui coule même si
elle n’en a jamais entendu parlé.
Cela ne les ennuie pas qu’on sache qu’ils sont sorcières ; en fait, ils en sont
plutôt fiers. Tous pensent qu’il est injuste qu’il y ait encore une certaine
intolérance, même si elle n’est plus aussi forte qu’au Moyen-Age.
Tous les covens reçoivent des demandes de personnes souhaitant devenir
sorcières, mais la plupart viennent d’hommes ayant des arrières pensées
sexuelles. Même si les sorcières sont nues (les femmes portent des perles), il
n’y a pas d’aspect sexuel dans les rituels.